"Mamaaaaan, Louann est encore montée sur le toit !" cria ma sœur. Je vous la présente en deux mots : douze ans, blonde, peste, serpentarde dans l'âme. Bon d'accord, ça fait plus de deux mots. "Louann, descend immédiatement ! Et Elisabeth, tu devrais peut-être te concentrer un peu plus sur tes devoirs que sur les activités de ta sœur. J'avais cru comprendre que tu avais encore eu un Troll en Métamorphose ?" dit la voix autoritaire de ma mère. Je pouffais intérieurement. A 7 ans déjà, J'étais pleinement consciente du statut privilégié que j'avais dans le cœur de celle-ci. Ne vous méprenez pas, Mme Crabbe n'aimait pas ses enfants, que ce soit Elisabeth, Jules - son jumeau - ou moi. Elle n'en avait pas la capacité, tout simplement, et je ne lui en voulais pas. Enfin pas vraiment. Ce n'était pas de sa faute si on l'avait livré avec des pièces manquantes. Comme son cœur, par exemple. Enfin bref, malgré mon esprit tordu, elle me sentait la plus apte à devenir la digne héritière des Crabbe. J'étais belle et j'étais intelligente, comme elle. Mon côté barjo', elle s'en fichait. Cela lui suffisait. Je descendis habilement du toit de notre grand manoir et me laissais tomber jusqu'à ma terrasse. Là, ma sœur m'y attendait. Elisabeth avisa mon carnet de dessin acheté dans une librairie moldu, en souriant d'un air narquois. "Fais attention sœurette. A trop jouer à la moldu, tu vas finir par en devenir une." Et elle me l'arracha des mains avant de réduire en miettes, une à une, toutes les pages soigneusement remplies de mes esquisses. Je ripostais en me jetant sur elle, en la griffant et en tentant de lui arracher ce qu'il restait du travail que j'avais effectué durant trois longues années de ma vie. Enfin, elle le lâcha. Ce n'était plus qu'un tas de déchets, bon pour alimenter ma cheminée. "Crois-moi, je fais ça pour ton bien, Louann chérie.". Je tremblais de tout mon corps et des larmes venaient picoter mes yeux. "JE TE DÉTESTE !" criais-je mais elle était déjà partie. Heureusement, la fin de l’été approchait à grands pas, ma sœur et Jules allaient bientôt quitter la maison pour Poudlard et j'allais enfin pouvoir reprendre ma petite vie tranquillement.

Je sentis l'onde de choc du cri avant même de l'entendre véritablement. "AAAAAAAAAAAAAAH !". C'était terrible, j'avais l'impression que l'on égorgeait un porc juste à côté de ma chambre. Je n'avais jamais entendu les cris de douleurs des victimes de mes parents et de leurs amis. Il y avait la cave pour les tortures, cela ne se faisait jamais dans la maison même et encore moins dans le vaste hall d'entrée ou chaque murmure se répercutait en écho sur les murs. Je repoussais mes lourdes couvertures et posais mes pieds nus sur le sol gelé. Je n'en pouvais plus, je voulais voir. Je devais aller voir ce qu'ils faisaient, c'était plus fort que moi. Frissonnant légèrement, je sortis et longeais le couloir sombre. Une porte s'ouvrit sur ma gauche : Elisabeth en sortit, les yeux lourds de sommeil. Elle m'interrogea du regard mais je me contentais d'avancer comme un zombie. Arrivée au bout, je me penchais par dessus la balustrade du grand escalier central. Là, je vis toute l'horreur de la scène : un groupe de quatre personnes en cape noire - dont mon père que je reconnus à ses cheveux aussi blonds que le soleil - formait un cercle autour d'une femme, ou tout du moins ce qu'il en restait. Du sang coulait de ses plaies et son visage était affreusement tordu. Mon père sembla s'apercevoir que quelqu'un l'observait car son regard se dirigea automatiquement vers nous. Son expression froide laissa place à un bref sourire satisfait. "C'est maintenant que les choses sérieuses vont commencer." murmura ma soeur. Je m'apprêtais à rire avant de m'apercevoir qu'elle était sérieuse. Ses yeux bruns brillaient d'excitation et ses lèvres étaient étirées en un sourire encore à demi hésitant. "Quoi ?! C'est déjà pas assez sérieux pour toi ?!". Elle me regarde d'un air moqueur et passablement méprisant. "NON ! PITIÉ !". Je reportais mon regard sur la scène et eus l'impression que tout se déroula au ralenti. Mon père leva sa baguette et prononça doucement "Doloris". Le cri fut plus faible que le précédent, les cordes vocales de la victime devaient sûrement être considérablement endommagées. Son corps se contractait dans tous les sens, en des angles que je croyais impossibles jusqu'alors. Mais le plus étrange dans tout cela était que je n'arrivais pas à ôter mes yeux de cette torture. J'étais hypnotisée. Quelques minutes plus tard, tout fut fini, les cris cessèrent et je clignais des yeux dans un soupir. Un violent tremblement agita mon corps et j'étais quasiment sûre que ce n'était pas du au froid. Les mangemorts empoignèrent la femme par ses deux bras et la traînèrent jusqu'à l'entrée d'un couloir sombre. Le temps de deux battements de cœur et ils avaient disparu. "Miss Elliott, allez me nettoyer ça, voulez-vous." entendis-je la voix de ma mère depuis je ne sais quelle partie de la maison. Avant que la gouvernante arrive, ma sœur me fit signe de partir. Le spectacle était fini. Alors que nous nous dirigeâmes vers nos chambres respectives, je sentis une brusque envie de vomir envahir mon corps. Elisabeth sembla s'apercevoir de mon changement d'esprit car elle me demanda abruptement : "Tu n'as pas pitié d'eux, n'est-ce-pas ?". Je lui fis signe que je n'avais pas compris. "De ces fils de chiens, de ces sang-de-bourbe !". Je frémis face à l'insulte avant de me reprendre et de hocher les épaules comme si je n'accordais pas autant d'importance que cela au sujet. "Parce que ce sont des voleurs ! Ils ne sont pas humains et encore moins sorciers. On ne peut pas leur accorder plus d'importance qu'à de simples bêtes." Elle médita quelques instants avant d'ajouter. "Un jour, nous perpétuerons la tradition, nous finirons la tâche que nos ancêtres ont commencés. Nous aurons notre vengeance, Louann.". Mon envie de vomir augmentait de plus en plus mais je pus quand même lâcher. "C'est fini, Lizzie. Nous ne faisons pas partie de cette guerre, les nés-moldus ne nous ont jamais rien fait. Pourquoi...". "Comment peut-tu être aussi égoïste ?!". Je m'arrêtais. Elle avait raison. Comment pouvais-je occulter toutes les horreurs qu'avaient du subir mes parents ? Comment pouvais-je leur tourner le dos ? Je la regardais... Puis lui tirais la langue. Elisabeth sourit. J'étais une Crabbe et je n'avais que 8 ans. Malgré tout, lorsque je fermais la porte de ma chambre, je courus jusqu'à mon lit et plaquais mon oreiller et couvertures sur ma tête. J'entendais encore résonner dans mes oreilles les cris de terreur et de douleur.

Mon crayon rose crissait sur le parchemin encore neuf. Mon modèle, une jeune fille à la peau diaphane et aux cheveux presque blancs dans le vif soleil du midi, était extrêmement calme. Le calme avant la tempête, en quelque sorte, la connaissant comme je la connaissais. C'était évident qu'après la bombe que je venais de lui lancer, elle n'allait pas rester muette pendant encore très longtemps. Je reportais mon attention sur le dessin et après un dernier trait, le posais bien à plat sur l'herbe. "J'ai fini", dis-je d'un air satisfait. "Depuis combien de temps tu le sais ?" s'exclama Lena en se retournant d'un coup. Je soupirais. Et voilà, c'était reparti. "Non, ne soupires pas, ça sert à rien ! Tu sais très bien que j'ai raison ! Et je te conseille de me répondre, ne crois pas que ton coup du "je parle quasi-jamais parce que je suis une Crabbe hyper snob" marchera sur moi ! Alors, combien ?! Une semaine ? Deux ?". Je grimaçais. "Deux mois, truc dans le genre.", lâchais-je avant de serrer les dents. Je ne voulais pas en parler et Lena le savait parfaitement bien. Cette nouvelle... L'oublier avant le jour J était la meilleure solution. Evidemment, c'était sans compter sur sa présence à Poudlard, qui ne manquerait pas de me rappeler sans cesse que, dans trois ans, je me marierais avec lui. "Je n'arrive toujours pas à comprendre comment tu as pu accepter de..., Lena s'étouffa tellement elle était en colère, avec JEREMY GOYLE ! Tu sais ce qu'on dit sur lui et sa famille ?!". "Et toi, tu sais ce qu'on dit sur moi et ma famille ?!" lui dis-je en tentant de refréner mon agressivité. Ma meilleure amie me fusilla du regard. Ce n'était pas ce qu'elle avait voulu dire et je le savais très bien. Lena ne m'avait jamais accusé d'être une Crabbe. Lors de notre première année à Poudlard, elle était bien la seule à ne jamais avoir sous-entendue quoi que ce soit. Cependant, un combat de regard suivit ma remarque, combat que je perdis bien trop rapidement. Je baissais les yeux et arrachais rageusement une touffe d'herbe. "Pourquoi tu ne leur dis pas que tu ne veux pas ? Que ce n'est pas dans tes projets de te marier avec un futur psyco... Euh pardon, un futur haut-membre de la société mangemort.", dit-elle plus doucement, histoire de détendre l'atmosphère. Je souris. Lena plaisantait si facilement sur le sujet que l'on aurait jamais pu soupçonner une seule seconde sa famille de faire partie des hautes sphères de l'ordre. Ma bonne humeur passagère fit néanmoins rapidement place au brouillard noire dont j'étais habituellement enveloppée. "Tu connais ma famille. Je ne peux pas leur faire ça, ce ne serait pas...". "Ne me dis pas "juste" sinon je m'en vais crier en plein milieu de la Grande Salle que ton Goyle est un mangemort et que c'est lui qui a tué Harry Potter !". Je ne relevais pas, abîmée dans mes réflexions. Comment lui dire que la justice n'existait pas dans ma famille ? Comment lui dire que je ne pouvais pas leur faire ça ? Les Crabbe, aussi détestables soient-ils, étaient ma famille, nom de Dieu ! Leurs amis, les mangemorts, pouvaient être cruels et impitoyables mais certains m'avaient également témoigner toute leur affection. Ce n'était pas tout blanc, tout noir comme elle pouvait le penser. Je savais qu'elle ne pourrait pas comprendre, Lena était une Gryffondor dans l'âme et, par définition, elle ne réfléchissait jamais. "Ce n'est plus ta famille, me dit-elle comme si elle avait lu dans mes pensées, Ils t'ont rejeté. Rappelle-toi ta première année. Rappelle-toi quand ils ont appris que tu avais été réparti à Serdaigle.". Mon estomac se tordit au souvenir de ce jour funèbre. Je me rappelle encore le silence qui avaient suivi l'annonce du Choixpeau. J'avais prié pour aller à Serpentard et pourtant cette saloperie m'avait envoyé chez les Aigles. J'aurais du me réjouir de ne pas être allé à Pouffsouffle ou pire, à Gryffondor, mais sur le moment tout ce que je voyais était l'expression désagréablement satisfaite de ma sœur et celle, dégoûtée, de mon frère. Les semaines qui suivirent furent terribles : rejet chez les Serdaigles à cause de mes origines, qui elles aussi me rejetaient du fait de ma condition. Et enfin, aucun paquet, aucune lettre de ma famille. J'avais souillé le nom des Crabbe. Par la suite, je m'enfermais dans un silence inébranlable et snobais tout ce qui n'était pas pur avant qu'un jour, enfin, je réintègre les bonnes grâces des sang purs et de mes parents. Néanmoins, je ne pensais pas réussir à effacer totalement cet affront de leur esprit et ce malgré tout mes efforts. Je m'acharnais au travail, je récoltais sans cesse les meilleurs notes mais rien n'y fait. Et même si depuis ma vie sociale va beaucoup mieux, la gamine enjouée et bavarde que j'étais a définitivement disparue. Seule Lena la fait renaître par moment. Ma meilleure amie. Sans elle, je n'aurais jamais pu supporter ces quelques mois passés seule. Notre amitié était un secret, mon secret le plus cher, car jamais personne ne devra savoir. C'était beaucoup trop dangereux pour elle. "Alors, la harpie t'as mis combien pour... ?", entendis-je la voix d'un Serpentard au loin. Je regardais mon amie et par un mouvement de tête lui intimait de partir immédiatement. Résignée, elle se leva. "Crois-moi, on en a pas fini, Crabbe.", dit-elle avant de partir en courant.


"Spero Patronum !", criais-je dans la nuit noire. Un mince filet argenté s'échappa de ma baguette avant de s'éteindre aussi subitement qu'il était apparu. J'avais tenté pendant des heures de faire apparaître mon patronus mais rien n'y faisait. Ma main tremblait tellement que je lâchais ma baguette, allant s'écraser avec bruit sur le sol de pierre de la Tour d'Astronomie. Je m’accroupis et enfouis ma tête dans mes genoux, sentant mes larmes couler sur mes joues. La douleur était si intense qu'elle me coupait le souffle, mais malheureusement, mon seul remède ne fonctionnait pas. Mon patronus m'apaisait et me procurait toujours une sensation de chaleur et de réconfort, seulement je n'arrivais pas à réunir mes souvenirs heureux. C'était impossible. Soudain, la porte grinça et levant les yeux, j'aperçus une tâche rose familière. A la lueur de sa baguette, Lena avisa mon visage mouillé et je sus à son expression qu'elle savait. Cela avait fait les gros titres ce matin. Ma sœur et mon frère avaient été tués. Et je ne pouvais le supporter. Qui mieux qu'elle pour le comprendre ? Sa grande-sœur avait également été tué dans un affrontement bien trop hasardeux pour être honnête. Deux mangemorts, un membre de l'Ordre. Un simple accident, selon les journalistes. Elle s'assit à côté de moi et me serra contre elle. Nous pleurâmes ensemble, tentant d'oublier un moment que notre tour arrivera très bientôt.

"Bonjour. Tu t'appelles comment ?", dis-je de ma voie aiguë de petite fille de 6 ans. Le garçon me toisa d'un regard si profond et si méprisant que j'arquais les sourcils d'étonnement. "Il s'appelle Jeremy, idiote.", entendis-je la voix de ma sœur au fond du couloir. Elle m'avait entendu ?! La conversation des parents devait être si ennuyeuse qu'elle ne pouvait s'empêcher d'écouter aux portes. Je levais les yeux au ciel. Je n'étais pas idiote, je savais parfaitement comme il s'appelait. C'était juste histoire d'engager la conversation. "Moi c'est Grace Louann", dis-je en lui tendant la main. Il ne fit aucun mouvement indiquant qu'il allait me la serrer, se contentant de me regarder d'un air morne. Je la laissais retomber. "Mais il y a que mon papa qui m'appelle Grace, tout le monde m'appelles Louann, en fait.". Rien de rien. Je ravalais un soupir, me creusant la tête pour trouver quelque chose à faire. Je supposais que jouer à la poupée ne devait pas être très intéressant pour un garçon. "Tu veux jouer ?", demandais-je en désespoir de cause. Et pour la première fois de la soirée, l'étrange garçon me répondit. "Non.". Je sentis la colère monter. "Pourquoi ?". Ses yeux plongèrent dans les miens et j'y vis une obscurité telle que je ne pus empêcher mon corps de trembler. Il sourit légèrement avant de se ressaisir. Je fronçais les sourcils. Qu'est ce qui lui prenait à celui-là ?! "Bien. Salut.". Je me levais, ouvrais sa fenêtre dans un grincement et sautais. Je l'avais fait des centaines de fois chez moi, c'est pourquoi mes pieds se placèrent instinctivement pour amortir le choc. Quelques minutes plus tard, alors que j'étais tranquillement allongée sur l'herbe dans le soleil chaud de ce début d'été, j'entendis ma mère crier mon nom, l'affublant de toutes sortes d'adjectifs que je ne saurais reproduire ici. Je me levais et allais à sa rencontre. "Lorsque Jeremy est venu me voir pour me dire que tu avais sauté par la fenêtre, je n'y ai tout d'abord pas...". Comme d'habitude, le sermon de ma mère me passa au-dessus de la tête. A vrai dire, j'étais bien trop occupée à fusiller du regard ce diable doublé d'un crétin du nom de Goyle. Alors comme ça il pouvait aligner plus de deux mots dans un laps de temps réduit ?! J'y aurais jamais cru.


Assise sur son lit, je contemple une nouvelle fois la chambre telle qu'elle était lors de ma première visite, il y a 10 ans maintenant. Le garçon a grandit, tout comme moi. Il est devenu dangereux, je suis devenu un zombie. Je n'imaginais pas ce qu'allait être nos journées, passé notre union. Comment allais-je pouvoir vivre avec un monstre qui me terrorisait au plus profond de mon être ? La porte s'ouvrit et Jeremy apparut, beau comme un diable. Il referma la porte dans un fracas et s'avança vers moi. Il ne paraissait absolument pas enclin à papoter aujourd'hui. Tant mieux, comme ça on était deux. C'est alors qu'il prit mon visage dans un geste brusque et m'embrassa rageusement. Comme d'habitude, cette sensation désagréable de plaisir monta en moi, j'avais l'impression que chaque portion de peau qu'il touchait était en feu. Mais la peur et le dégoût l'emporta et je le poussais de toutes mes forces. C'était la seule chose que je pouvais faire. Le rejeter encore et encore, jusqu'à n'avoir plus le choix.