› Avez-vous déjà entendu parler de la légende du Phénix ? Qu'est-ce que vous en pensez ? comme tout bon sorcier qui se respecte, j’ai en effet entendu parler de cette légende. à dire vrai, je ne sais pas trop quoi en penser… pour moi, ce n’est qu’un autre de ces contes pour enfants qui se transmet de génération en génération, une histoire sans grande importance. et quand bien même la légende serait vraie, encore faudrait-il savoir ce que changera cet oiseau de feu. il est de notoriété commune que le phénix est un animal particulier et fascinant, possédant des propriétés magiques incontestables, mais de là à dire qu’il révolutionnera le monde magique… de toute manière, jusqu’à présent, la cupidité des hommes nous a montré qu’aucun d’eux n’était capable de garder un pouvoir entre les mains bien longtemps. si la légende dit vrai, nous ne serons sûrement plus là pour le découvrir. et, entre nous, les prophéties, c’est bon pour les illuminés qui lambinent sur place. dire qu’il ait fallu attendre harry potter pour sauver le monde…
› Quelle est votre position par rapport à la guerre ? : la guerre… je l’ai vécue, je la vis encore et j’ai été ébranlé par elle. je travaille au ministère de la magie à londres en tant qu’auror. je fus le premier désigné lorsqu’il eut fallu envoyer des renforts en inde. en effet, là-bas, à new delhi, les institutions magiques venaient de subir une attaque revendiquée par les mangemorts. la réaction des autorités londoniennes fut immédiate et on dépêcha sur place des agents du ministère. à new delhi régnait le chaos; le bâtiment magique gouvernemental venait d’être balayé en son sein d’une explosion impressionnante. cette partie de la ville était en proie à la panique, on la plaça bientôt en quarantaine. on avait évacué les personnalités politiques et j’étais chargé avec un autre groupe de ratisser le quartier. dans une allée, accompagné d’une collègue, nous fûmes surpris par un mangemort et on nous fit prisonniers de guerre. je suis resté entre les mains de mes tortionnaires durant six longs mois. ma coéquipière n’eut pas la chance de tenir jusque-là… sur ordre du ministère, une escouade d’aurors fut envoyé pour me libérer. cela fait plusieurs semaines que j’aie été rapatrié à londres et j’en garde un amer souvenir. la guerre, on est en plein dedans. arrêtez de vous voiler la face bande de crétins, ils sont de retour et comptent bien nous faire payer la victoire de harry potter. les potter ne nous apporteront jamais rien de bon semble-t-il.
› Pensez-vous que les prétendus mangemorts, et leurs familles, ont été opprimés ces dernières années ? absolument pas. quand on y regarde de plus près, vous remarquerez que toutes les familles de sang-pur et toutes celles qui étaient connues pour rassembler en leur sein des mages noirs ont engendré une descendance… goyle, crabbe, lestrange, carrow, malfoy… autant de noms qui transpirent la honte et les crimes et qui pourtant perdurent. si on avait voulu les opprimer, chacun de leurs membres aurait été exécuté ou envoyé à perpétuité à azkaban. on aurait pu également les lobotomiser à coups de sortilèges ou les rendre amnésiques. il y aurait eu tant de possibilités pour les empêcher de nuire. au lieu de ça, on les a laissé se reconstruire. et voilà ce qu’on récolte aujourd’hui.
› Que pensez-vous des rumeurs selon lesquelles Harry Potter aurait été tué par son propre fils, James ? les chiens ne font pas des chats. harry potter était un crétin. les livres d’histoire de la magie vantent ses mérites et sa victoire face au seigneur des ténèbres. avez-vous pensé une seconde à ce qu’il serait advenu si harry potter s’était rendu ? on aurait certainement évité la bataille de poudlard, voire la guerre elle-même. voldemort ne demandait que la vie de «l’élu». au lieu de ça, potter a attendu, a sacrifié bon nombre de ses «amis» et a finalement savouré sa victoire. oh, certains diront qu’il était humble et aspirait à une vie tranquille… moi je vous dis que c’était un idiot, aveuglé par la vengeance et par la soif de réussite. ce devait être particulièrement oppressant et difficile pour ses enfants de devoir évoluer autour de cet être que tant de personnes admiraient. pas étonnant que son propre fils ait perdu la tête et l’ait assassiné… encore une fois, les potter nous entraînent dans une guerre que personne ne désirait.
› Que pensez-vous de la création d'un nouvel ordre ? j’ai rejoint l’ordre du phénix par obligation et non plus par conviction. quand l’attentat de new delhi a eu lieu, les choses étaient encore calmes à londres. à mon retour, on m’intégra à l’ordre sans me demander mon avis, m’érigeant en rescapé de guerre. je suis maintenant pris dans cette spirale infernale, moi qui avais prêté serment pour servir les intérêts du ministère. aujourd’hui, je ne sais plus vraiment quoi en penser… je ne veux pas de cette guerre, mais je n’hésiterai pas à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour sauver ma peau. plus rien n’a réellement d’importance pour moi à présent. mes convictions ont été ébranlées, je ne sais plus où donner de la tête. pour le moment, je suis le pas, j’avance avec l’ordre. tôt ou tard, il faudra pourtant se décider…

Les flammes crépitaient dans l’âtre de la cheminée. Elles dansaient, flamboyantes, tentatrices. Tantôt rougeâtres, tantôt bleutées. De sa baguette magique en noyer noir, Suraj s’employait à les faire changer de couleur et d’intensité, confortablement installé dans son fauteuil boisé en velours bordeaux. À y regarder de plus près, on avait presque envie d’y mettre les mains dans ce foyer brûlant. La sensation de chaleur qui lui parcourait l’échine semblait l’apaiser. L’apaiser d’un mal qui le rongeait de l’intérieur. Comment pouvait-il mettre sa famille en danger ? Son cœur était gonflé de remords et de culpabilité, mais en même temps débordant d’affection. Il était pris entre deux feux. Le devoir de servir son gouvernement face aux liens familiaux indestructibles. Malgré tout, si un choix devrait s’imposer à lui, bien que celui-ci soit cornélien, il choisirait les siens. Un serment inviolable pouvait d’ailleurs être aisément passé tant la loyauté chez les Bakshi était une valeur primordiale, voire vitale.

Perdu dans ses pensées, il fut bien vite rattrapé par la réalité quand les flammes commencèrent à s’agiter avec vivacité sans qu’il ne puisse rien contrôler. Elles virèrent presque aussitôt à un ton rouge orangé vif, crachant des petits jets de flammes qui firent lever vivement Suraj. Le visage familier de son supérieur se dessina peu à peu dans le charbon et les cendres de l’âtre. Le jeune sorcier s’approcha avec prudence et entreprit de se confondre aussitôt en une salutation respectueuse. Navré de vous déranger à une heure aussi tardive Suraj, mais l’heure est grave. Nous venons d’apprendre à l’instant qu’une explosion vient de balayer une partie du Ministère de la Magie à New Delhi. Les dégâts semblent être colossaux et la communauté magique indienne est en proie à la panique. J’ai pensé que vous étiez le plus avisé pour prendre les commandes de cette opération périlleuse. Vous vous êtes déjà rendu sur place à de nombreuses reprises et votre connaissance du terrain sera un atout considérable. J’envoie plusieurs de vos collègues avec vous. Sait-on ce qui s’est passé ? Un accident magique ? C’est bien pire que ça. L’attaque est revendiquée par des mangemorts. Suraj écarquilla les yeux. Des mangemorts ? Son supérieur enchaîna aussitôt pour lui donner son ordre de mission officiel. L’indien se contenta d’incliner légèrement la tête, les mains croisées dans son dos. Lorsque le visage du ministériel disparut dans une volute de fumée, éteignant au passage le feu auparavant flamboyant, le sorcier fit volte-face, entreprenant une marche rapide vers la porte du salon. Celle-ci s’ouvrit à la volée pour laisser place à sa mère. J’ai entendu les bribes d’une conversation. Tu dois repartir ? Il opina du chef pour seule réponse. Le visage de sa mère semblait impassible, imperturbable. Elle gardait toujours ses airs hautains de grande dame, ses émotions constamment cachées derrière un masque telle une précieuse poupée de porcelaine. Pourtant, Suraj savait au plus profond de lui-même qu’elle était inquiète. Elle, moldue, n’avait jamais approuvé le fait qu’il soit devenu un auror. Retourne au lit, tu vas finir par te déclencher un saignement de nez en te tracassant de la sorte. Il ne lui accorda pas l’ombre d’un regard mais posa simplement une main délicate sur son épaule. Il monta ensuite quatre à quatre l’escalier de marbre en colimaçon. Il pénétra rapidement dans sa chambrée, ouvrant le placard pour sortir une valise qu’il jeta vulgairement sur son lit proprement fait. Il emporta quelques affaires qu’il fourra dans un sac magique sans fond, vérifia que sa baguette magique était bien dans la manche de sa veste et transplana presque aussitôt.

Le foyer familial était bien loin à présent. Suraj faisait face à la mort. Cette partie de New Delhi n’était plus ce qu’elle était ordinairement. Les ruines et la fumée avaient envahi les rues, les sorciers courraient dans tous les sens et des sortilèges fusaient de tous les côtés. On ne pouvait évaluer l’étendue des dégâts tant la vision sur ce champ de bataille était limitée. Suraj n’avait jamais vu tel spectacle ni telles atrocités. Piquant un sprint avec ses collègues, ils se réfugièrent derrière un pan de mur. Quand l’indien baissa les yeux, il remarqua une femme et son nourrisson à ses pieds, étendus là, inertes. Il sentit sa gorge se nouer et l’émotion le terrasser. Il porta une main à son col et déboutonna le haut de sa chemise. C’est vraiment pas le moment de flancher maintenant ! Une de ses collègues venait de le rappeler à l’ordre. Elle avait raison, il avait des instructions précises et il devait s’y tenir; évacuer et mettre en quarantaine le quartier, capturer les responsables, faire preuve de sang-froid et avoir une âme de leader. Autour d’eux, la nuit avait recouvert New Delhi de son long manteau de jais. Cependant, l’obscurité était bien plus présente dans cette partie de la ville, leur vision pourtant déjà bien altérée par la fumée des ruines. Tâchant de reprendre le contrôle de sa respiration, Suraj laissa glisser sa baguette magique de sa manche et la tint fermement de sa main. Il fit signe aux autres et tous prirent une direction différente, se hâtant à demi-baissés. À l’angle d’une rue, dans l’étrange calme environnant, l’indien faillit se faire repérer par trois mangemorts. Il se plaqua contre le mur, son cœur loupant presque un battement. Il ferma les yeux en priant de ne pas avoir été repéré tout en resserrant sa prise sur son arme. Après quelques secondes d’inaction, il tenta de jeter un coup d’œil furtif. Il y avait d’abord un grand gaillard costaud aux longs cheveux blancs, une balafre lui pourfendant le visage du sourcil droit au menton. Il y avait ensuite le lilliputien, un mètre quarante-cinq tout au plus, de courts cheveux gras poivre et sel et une barbichette noire. Dans l’obscurité ambiante, on aurait presque pu le confondre avec un gnome de Gringotts. Enfin, il y avait cette femme de taille moyenne, véritablement rachitique, chauve, au regard si perçant et malsain qu’il vous mettait mal à l’aise au premier contact. La joyeuse troupe de bras cassés continuait son ascension dans les ruelles indiennes. D’une combinaison de gestes simples, le petit homme décidait visiblement de la marche à suivre en les séparant tous. L’objectif était assurément de mettre la main sur les quelques hauts placés ministériels qui restaient. Suraj savait pertinemment que seul il ne pourrait rien contre le petit groupe. Alors il attendit, et l’opportunité se présenta à lui.

Suraj était à présent livré à lui-même. Lorsqu’il était en mission, il tâchait de dégager son esprit de toute pensée anesthésiante, même si la vision des dégâts qu’avait provoqués cet attentat l’avait particulièrement secoué. Rien ne devait perturber l’élaboration de ses plans ou l’adrénaline qu’il sentait couler dans ses veines comme un élixir précieux. Il se mit à courir dans la ruelle, sa baguette magique tenue fermement dans sa main droite. Il se stoppa net dans sa course, s’abaissant derrière ce qui restait d’un mur de pierres. Accroupi, dos contre celui-ci, il pencha la tête pour regarder dans le carrefour. Homonium revelio, chuchota-t-il avec conviction. Une petite lueur bleutée fila droit dans la direction de gauche. Plissant davantage les yeux, Suraj put percevoir la silhouette de la rafleuse chauve. D’un geste vif et précis, son poignet dessina la forme du sortilège de lévitation et un amas de gravats fila s’écraser contre la sorcière. Peu de temps après, des échanges musclés de sorts retentirent. Soit les sorciers traqués devaient riposter, soit ses collègues venaient d’être pris à partie. Il profita du vacarme ambiant pour sortir de sa planque et poursuivre la rafleuse qui prenait la fuite et lançait des stupefix en arrière sans réellement viser. Les multiples protego de Suraj lui permirent d’en esquiver un maximum. Les autres s’écrasaient violemment contre les parois rocheuses des baraques ou sur les pavés. Dans un geste de dernière minute, et avec une rage sans pareille, il pourfendit l’air de sa baguette et un immense jet d’eau vint percuter le dos de la chauvine qui chuta lamentablement, son visage heurtant de plein fouet le sol dallé. Suraj s’engouffra dans le même temps dans une cache, s’assurant qu’elle était bien hors d’état de nuire. Quand il fut certain de la chose, au vue du sang qui maculait le sol, il s’extirpa de l’antre et entreprit de poursuivre sa route. Si ses équipiers étaient en mauvaise posture, il se devait de leur venir en aide.

Leurs regards se croisèrent le temps d’un instant. Un quart de seconde qui avait suffi à mettre un grand coup dans le cœur de Suraj. Sa respiration s’accéléra, il sentait ses jambes se dérober sous le poids de la peur. Là, face à lui, un mangemort avait agrippé l’une de ses collègues et marquait une pression sous sa gorge de la pointe de sa baguette. L’expression de terreur qu’il lisait dans le visage de la jeune femme le tétanisa sur place. La minute qui suivit, le sorcier indien fut heurté de plein fouet par une autre auror qui tournait dans l’angle de la ruelle et chuta. Avant même que Suraj n’ait pu réagir, le mangemort avait hurlé son sortilège mortel, laissant le corps de la sorcière qu’il tenait jusqu’à présent s’écrouler sur le sol. Le visage du cadavre était atrocement déformé par la peur. Se relevant à toute hâte, l’indien agrippa le col de celle qui venait de le heurter et, se baissant de justesse pour éviter un tir, la fit se planquer derrière une ruine. Il voulut la suivre mais il en fut empêché par un nouveau sortilège qui s’écrasa à ses pieds. Alors il fila se cacher à son tour de l’autre côté. Les deux aurors échangeaient des regards terrifiés, leurs planques l’une en face de l’autre. Ils entendaient aisément le mangemort qui sifflait, se mettant presque à rire de la situation. Bientôt, ils perçurent une agitation autour, sans toutefois réussir à apercevoir quoi que ce soit, la fumée formant un écran opaque. L’atmosphère était pesante, les pas semblaient se hâter tout autour. Suraj regarda ses mains; il tremblait comme une feuille.


ENDOLORIS ! Le sortilège frappa de plein fouet Suraj qui, même s’il était fermement attaché sur cette chaise, se tordait de douleur en hurlant. Il avait l’impression que des millions de lances le transperçaient de part en part sans qu’il ne trépasse pour autant. Comme s’il était condamné à vivre sa mort encore et encore. Pourquoi son corps s’acharnait-il à s’accrocher à la vie ? Il se sentait faible, meurtri, humilié. Là, au milieu de cette pièce sombre, il n’avait pas la moindre idée de qui se tenait en face de lui. L’obscurité se faisait reine. Dès qu’il percevait un mouvement, Suraj se raidissait davantage, prêt à recevoir un énième coup. Jusqu’au coup de grâce. Il l’attendait, patiemment. Il se disait qu’il finirait par y passer, tôt ou tard. Il espérait en finir bientôt. Mais ça n’était pas le cas. Oh, non, son tortionnaire avait bien d’autres projets pour lui.

Complètement nu, assis sur cette chaise en métal particulièrement inconfortable, Suraj avait les pieds et les mains harnachés de sangles. Son visage était tuméfié, son corps maculé de sang par endroit. Lui qui était autrefois un charmant jeune homme n’était plus que l’ombre de lui-même. À l’extrémité de la pièce, le mangemort leva lentement sa baguette sans que l’indien ne puisse le voir. Les gestes silencieux du tortionnaire eurent pour effet d’entailler délicatement la peau hâlée du prisonnier, par à-coup, puis plus vivement, jusqu’à taillader son torse en diagonale. Suraj se crispait, sanglotait, hurlait. La blessure n’était pas profonde mais bien assez pour provoquer une douleur désagréable, sûrement décuplée par la fatigue, la faim et les jours de torture qu’il venait déjà de subir. Il n’avait aucune idée depuis combien de temps il était là, ni depuis combien de temps il avait été enlevé. Il ne savait pas non plus si les autres avaient survécu. Tout ce qu’il savait, c’était que son calvaire n’était pas près de finir.

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