Ce matin-là, Evelyne s’était réveillée en sursaut. Encore une fois, elle avait fait un cauchemar, où elle se revoyait, brandissant sa baguette vers un innocent, et froidement le tuer. Chaque jour, ses cauchemars prenaient une tournure différente. Un autre lieux, d’autres circonstances, elle se voyait également en victime, prête à être tuée par le né-moldu à qui elle avait ôté la vie. Pourtant, une seule chose ne changeait, le visage de l’homme qui l’avait imploré de lui laisser la vie sauve. Il n’y avait à chaque fois qu’une seule personne qui se trouvait avec elle dans ses rêves, c’était cet homme, son visage gravé à jamais dans sa mémoire. Sa respiration était haletante, les images du cauchemar étaient encore vives dans son esprit. Elle essaya de se calmer, se massant les tempes, tentant de faire disparaître son mal de crâne naissant. Cela faisait des jours que sa vie avait basculés, et pourtant, elle était toujours aussi chamboulée par ces images qu’elle voyait dans son sommeil, et chaque réveil était de plus en plus difficile. Elle essaya d’enfouir ces pensées sombres au coin de sa tête, les gardant pour elle-même, et continuer à vivre, tout simplement. Mais une chose pointait à l’horizon, la seule qui pouvait encore redonner le sourire à la jeune femme. Ce soir, elle allait voir Anthony. Son meilleur ami, son amant, celui qui lui donnait envie de dire à son père d’oublier les traditions familiales, celui qui la comprenait, celui qui lui redonnait l’espoir et qui l’aidait à avancer, sans vraiment le savoir. Elle ne s’était pas encore confiée à lui sur l’acte impardonnable qu’elle avait commis, et n’en avait pas encore l’intention. Pas maintenant, plus tard, c’était ce qu’elle se disait tous les jours. Elle avait déjà perdu beaucoup de choses, en jouant ces jeux dangereux dans le seul but de plaire à son père, elle ne voulait en aucun cas perdre Anthony, la seule personne qui comptait réellement à ses yeux. Toute la journée, elle avait tant bien que mal essayé de ne pas se laisse submerger par ses sombres pensées, et avait attendu avec impatience le moment où elle pourrait enfin revoir l’être aimé.

« Bonsoir. ». Elle n’eut même pas le temps de répondre qu’il l’entraîna à l’intérieur de l’appartement pour lui déposer un doux baiser sur les lèvres. Ils avaient déjà échangé de nombreux baisers, et pourtant, Evelyne ressentait toujours cet intense plaisir, ces petits papillons dans le ventre comme on disait, qu’il lui donnait l’impression de redevenir une adolescente. A chaque fois qu’elle se retrouvait avec Anthony, la jeune femme avait l’impression d’entrer dans un monde secret, ou personne, ni son père, ni ses démons, ne pouvaient venir gâcher ce bonheur. Evelyne aurait encore aimé goûter aux lèvres du jeune homme, mais son bonheur sembla être de courte durée. Le suivant dans le salon de son appartement, il lui dit une simple phrase, qui venait ébranler son petit paradis. « J’ai quelque chose à te dire, Evelyne… ». Cette simple phrase qui venait troubler son petit paradis. Oui, ça pourrait être quelque chose de banale, mais Evelyne connaissait trop bien Anthony. Elle le savait, rien qu’au son de sa voix et de son regard qu’il allait lui dire quelque chose qui n’allait surement pas lui plaire. Elle le regarda, l’incompréhension se lisant sur son visage, avec un léger sourire nerveux. « Oui … ? ». Il était facile de voir qu’Evelyne se sentait quelque peu mal à l’aise, elle s’était assise sur le canapé, se mordillant légèrement les lèvres et tapotant le sol avec son pied gauche.

« J’ai discuté avec mon père il y a quelques jours. Tu sais… Il a toujours voulu contrôler ma vie. S'assurer que son fils ainé choisissent un parti favorable à sa... société. ». Evelyne écoutait attentivement Anthony, tout en était un peu sur les gardes, hochant lentement la tête. Elle n’aimait pas le fait qu’il n’aille pas droit au but et savait que cela couvrait quelque chose. Anthony avait toujours été discret sur son père et son métier, et bien qu’Evelyne eut toujours envie de savoir, elle n’avait jamais trop approfondi le sujet avec lui, sachant qu’il refuserait d’en parler. Certes, il lui avait déjà fait part de quelques détails, son père voulait le voir reprendre son poste dans sa société, bien que la jeune femme n’ait jamais su la nature de ladite société. Elle savait également que le père d’Anthony était comme le sien, quelqu’un à qui il était très difficile de dire non. La jeune femme s’imaginait tellement de choses qui pourraient expliquer la mine grave de son amant. Son père lui avait annoncé qu’il devait partir à l’étranger pour se perfectionner ? Peut-être voulait-il que qu’Anthony rejoigne la cause du seigneur des ténèbres pour sauver son entreprise ? Ou bien l’Ordre, tout dépendait de ses intentions et ses croyances quant à la nature du sang chez les sorciers. Elle avait beau chercher, jamais elle n’aurait pu penser à ce que le jeune sorcier allait lui révéler. « Je suis fiancé, Evelyne. ». La phrase résonna dans sa tête, se répétant encore et encore, comme si Evelyne essayait d’y trouver un sens. Il n’a pas dit qu’il allait devoir se fiancer. Il n’a pas dit que son père projetait de le fiancer, tout comme le faisait le père d’Evelyne. Non. Il a bien dit qu’il était fiancé. Ce n’était pas là une hypothèse, mais bien un acte révolu. Elle avait imaginé cette situation tellement de fois dans sa tête, mais dans des rôles opposés. Evelyne était tellement choquée par la nouvelle qu’elle ne faisait même plus attention à ce qui l’entourait, perdu dans ses pensées, que se furent les excuses d’Anthony qui la ramenèrent à la réalité. Elle le regarda d’un air interrogateur, comme s’il venait de la sortir d’un songe. Elle avait une apparence calme mais sa voix la trahissait, faible, prête à se briser. « C’est tout ? Tu es en train de me dire qu’il n’y a aucune solution et que tu vas te laisser faire ?  ». Un cocktail d’émotions, qui pouvait s’avérer dangereux, était en train de monter à la tête de la jeune femme. Mais ce qui la surprenait le plus, et qui l’énervait également, c’était la mine d’Anthony, abattu, comme c’était déjà une histoire résolue et qu’il n’y avait plus rien à faire, qu’il rendait les armes sans même s’être battu. C’était tellement étrange qu’Evelyne avait du mal à y croire. Anthony lui avait tellement de fois dit de belles paroles, lui disant qu’elle n’épouserait pas un sorcier qu’elle ne voulait pas épouser, qu’elle ne devrait pas suivre les volontés de son père et maintenant … il lui montrait tout l’inverse. « Tu m’as toujours dit que je n’aurais pas à épouser une personne choisie par mon père … Mais pour toi, c’est différent c’est ça ? ».  Le regard qu’elle posait sur Anthony était presque assassin. Elle était submergée par ses émotions, un mélange de tristesse, mais également de rancœur, elle n’appréciait cette impuissance, lui qui avait toujours été de nature à se battre pour ses idées et ses choix.