mischief managed
Réunis dans le hall du château, Jade avait encore du mal à y croire. En plus d'apprendre cet été qu'elle était une sorcière, une vraie, elle devait suivre des cours dans une école spécialement créée pour réunir des personnes comme elle. Elle apprenait lentement mais sûrement à se servir de ce que la nature lui avait offert, des pouvoirs qui se manifestaient encore plus que d'ordinaire. Au départ, ses parents refusèrent d'y croire, pensant que c'était une mauvaise blague d'un enfant du coin. Les portes s'ouvrirent sur la grande salle, qui n'attendait plus que les élèves de première année pour procéder à la cérémonie des répartitions.
« Tu es dotée d'une grande intelligence, et la découverte de ce nouvel univers t'incite à apprendre encore plus de choses. Mais tu possèdes également des qualités des élèves de poufsouffle. » Avant d'arriver ici, Jade avait pris soin de se renseigner sur le fonctionnement de l'école pour ne pas être totalement perdue. La maison qu'elle préférait, et qui correspondait au mieux à sa personnalité, était sans aucun doute celle des serdaigles. Elle y serait sûrement mieux que chez les poufsouffles.
« Mais celle-ci te correspondra mieux : SERDAIGLE. » Des cris retentirent ainsi que des applaudissements. Une fois l'angoisse de ce moment important passé, elle put rejoindre sereinement ses futurs camarades à la table des aigles. Même si elle n'y était pas encore très bien habituée, Jade savait qu'elle passerait de très bons moments ici. Comme on le dit souvent, Poudlard est une seconde maison, et ce fut réellement le cas la concernant.
« Owen, Owen ! » Le cours d'histoire de la magie venait de se terminer, une libération pour la plupart des élèves se trouvant dans la pièce. Même si Jade aimait s'instruire, il lui arrivait également de s'ennuyer. Et ce cours-là avait le don de lui faire perdre patience. D'ordinaire très joviale, c'était une élève agréable, qui aimait s'amuser sans se prendre la tête. Elle avait appris à profiter de la vie, acceptant ses bons côtés comme les plus mauvais.
« Tu as oublié ceci. » Elle posa une main sur son épaule pour l'arrêter. Il allait définitivement trop vite pour elle, et tous ces élèves l'empêchèrent d'arriver à son niveau aussi rapidement qu'elle l'aurait voulu. Le gryffondor se tourna vers elle, large sourire aux lèvres.
« J'espérais en fait que tu me l'apportes. » Evidemment. Elle leva les yeux au ciel. Elle aurait dû le remarquer. Owen usait toujours de moyens divers et variés pour attirer son attention, et même si la jeune Orchard ne voulait pas l'avouer, elle l'aimait bien.
« Tiens donc, quelle étrange coïncidence. » Elle appuyait bien sur ses mots d'un ton plutôt ironique. Généralement, Owen se terrait au fond de la classe tandis que Jade accourait vers les places de l'avant. Alors laisser malencontreusement ce livre traîner sur la table à côté de la sienne, sous le nom d'Owen Wheeler qui plus est, n'était pas le fruit du hasard.
« Je n'y suis pour rien, je te l'assure ! » Il se payait ouvertement sa tête. Il accompagna ses paroles de mimiques exagérées, qui réussirent à arracher un semblant de sourire à la serdaigle. Tous deux en cinquième année, ils avaient déjà eu l'occasion de discuter rapidement auparavant, mais ces derniers temps tout semblait s'être accéléré.
« Très bien. Il faut que j'y aille, j'ai cours ! » Elle lui adressa un dernier sourire, avant de se rendre à son cours de divination. Décidément, ce n'était pas leur matinée. Enchaîner histoire de la magie, puis maintenant cela, il y avait mieux quand même. Alors qu'elle avançait, elle remarqua la présence du jeune homme, qui restait silencieux. Jade restait également muette, il allait sûrement en avoir assez dans quelques secondes.
« On a cours ensemble, je te signale. » Pas faux. Il n'avait peut-être guère envie d'être assidu en cours, mais il y assistait tout de même. Elle laissa échapper un soupir léger, définitivement pas prête à s'en débarrasser.
« Dépêche-toi, Owen, on va arriver en retard ! » Bon sang, ce qu'il était lent celui-ci. Monsieur voulait absolument être parfait, réajustant les derniers détails de sa tenue. Pire qu'une fille. Appuyée contre le mur, elle avait cette petite moue boudeuse qui le faisait fondre. Et qu'il aimait beaucoup imiter.
« Mais il nous reste encore du temps. » lui lança-t-il, tout en imitant l'air agacé de Jade. Ils avaient bien évolué, depuis Poudlard. Après les nombreuses tentatives d'Owen, la jeune femme finit par succomber à son charme, quelques temps avant la fin de leur septième année. Depuis, ils ne se lâchaient plus. Un couple qui malgré les mauvaises langues réussit à durer. Tous deux suivirent une formation au Ministère de la Magie après avoir quitté l'école de sorcellerie. Owen entama rapidement une carrière en tant qu'Auror alors que Jade préférait la tranquillité du département de la coopération magique internationale. Du fait de ses très bons résultats scolaires, elle réussit à occuper un poste plutôt intéressant pour une novice de son genre. Elle aspirait même à devenir chef de ce département, mais elle avait encore le temps de gravir les échelons pour y parvenir.
« Suis-je au goût de Mademoiselle Orchard ? » Bien sûr qu'il l'était, comme d'habitude.
« Mademoiselle Orchard est très chanceuse. » finit-elle par lui répondre, tout en s'approchant pour lui déposer un baiser sur les lèvres. Ce soir-là était bien plus important que les autres. Jade et Owen devaient se rendre chez les parents de cette dernière pour dîner. Non pas angoissés à l'idée d'annoncer cette nouvelle, ils essayaient de retenir leur excitation au mieux, ce qui ne se révéla pas très facile.
« Papa, maman, on a quelque chose à vous dire. » Elle lança un regard plein d'enthousiasme vers Owen, qui lui attrapa la main. D'un signe de tête, elle l'encourageait à continuer sa phrase.
« On va se marier ! » Cela faisait près de cinq ans que leur relation durait, alors les fiançailles ne semblaient être que la suite logique des choses. Le sourire aux lèvres, Jade montra alors sa main, décorée d'une belle bague. Un bonheur qui ne dura pas bien longtemps puisque quelques mois plus tard, alors que tout leur souriait, la vie décida d'être bien moins clémente. La coupe du monde de Quidditch, un événement que tout le monde attendait. Ayant un billet pour le gradin numéro deux, elle y rejoignit quelques amis avec qui partager la soirée. Owen devait quant à lui rester auprès des aurors afin de veiller à la sécurité du stade.
« Par ici ! » Une main l'attrapa, avant de la tirer vers elle. Emportée par la foule, elle ne pouvait pas s'opposer à tant de personnes, et fut donc contrainte à suivre le mouvement. Un gradin venait de s'effondrer, faisant déjà de nombreux blessés. Des cris, des larmes s'élevaient alors qu'elle assistait à cette scène, sans ne rien pouvoir faire pour autant. La seule personne à qui elle pensait à ce moment-là était Owen. Il devait être là, quelque part. Elle ne savait même pas s'il allait bien ?
« Lâche-moi, il faut que j'aille retrouver ... » C'était l'une de ses amies, elles devaient passer la soirée ensemble. Les deux jeunes femmes n'avaient pas eu l'occasion de se voir depuis quelques temps déjà, toutes deux bien occupées par leurs métiers respectifs. Cette soirée devait être parfaite. Elle ne devait pas tourner au drame.
« On n'a pas le temps ! » Elle ne lui laissa même pas le temps de finir sa phrase. Son amie se doutait que Jade parlait de son fiancé, perdu parmi les sorciers du stade. Mais c'était trop tard pour envisager un quelconque acte héroïque, ce n'était pas leur métier. Elles devaient se contenter de fuir. Bousculer les personnes pour se frayer un chemin vers la sortie le plus rapidement pour leur vie. Puis courir, courir pour leur vie. Quelques centaines de mètres plus loin, dans un lieu un peu plus sûr et à l'abri, Jade l'attendait. Elle ne pouvait pas l'abandonner. Il devait sûrement la chercher, ou du moins penser à elle. Alors elle n'avait pas le droit de ne penser qu'à elle. Horrifiée, le spectacle qui se déroulait sous ses yeux la laissait sans voix. La jeune femme était sous le choc, et parvenait difficilement à trouver ses mots. Le stade venait de prendre feu.
Des murs blancs, de longs couloirs qu'elle connaissait à présent par cœur. Jade avait pour l'habitude de faire ce trajet au moins une fois par jour. Avant d'aller travailler au ministère, après être partie, elle s'y rendait le plus souvent possible. Il n'était là que depuis une semaine, mais elle avait l'impression que c'était des mois entiers. Enfermés dans une chambre de l'hôpital Sainte-Mangouste, sans même être sûr d'en sortir vivant, il sombrait lentement, attendant que la mort ne vienne le prendre dans ses bras. Le pas rapide, la jeune femme adressa des sourires rapides aux personnes qu'elle croisait. Dans sa main droite se tenait un paquet, achat qu'elle fit quelques minutes avant dans une boutique de sucrerie de Diagon Alley. Si Jade aimait tout particulièrement les sucreries, son fiancé encore plus. A eux deux, ils auraient pu passer des jours entiers à ne se nourrir que de cela. Lorsqu'elle arriva enfin devant la porte de sa chambre, elle prit une profonde inspiration. Chaque fois, c'était la même chose. Elle restait quelques secondes devant, les yeux fermés, et tentait de contrôler sa respiration. Toute cette histoire l'angoissait terriblement, mais elle devait être forte. Jade devait être forte pour Owen. Si elle ne l'était pas, qui l'aiderait à tenir le coup ? Encore une fois, elle sentit les larmes lui monter aux yeux, mais elle les retint. Depuis ce drame, Jade avait appris qu'elle avait une certaine capacité à retenir ses émotions alors qu'auparavant, ce n'était pas le cas. La jeune femme s'approcha de son fiancé et lui déposa un baiser sur les lèvres. Sourire aux lèvres, elle essayait de cacher sa peine aussi bien qu'elle le pouvait.
« Me revoilà ! Ce sont tes préférés. » Elle déposa le paquet juste à côté de lui, sur son lit. Alors qu'elle prit quelques secondes pour déposer son manteau sur le fauteuil, Owen la fixait avec un petit sourire sur les lèvres.
« Avec un stock incroyable de plumasucre. » La remarque de son fiancé la fit rire. Il savait très bien que Jade avait un faible pour ces plumes et elle ne s'était pas gênée pour en acheter quelques unes.
« Effectivement. Mais il n'y a pas que ça. Regarde, sinon je garde tout pour moi. » Entre-temps, elle sortit de son sac un journal, et quelques petites choses pouvant l'aider à passer son temps. Il devait terriblement s'ennuyer ici. Elle lui apporta donc tout ceci, attrapant au passage deux ou trois plumasucres. Jade tira le fauteuil vers lui avant de s'y installer. Elle allait probablement lui raconter sa journée au ministère, et lui, les derniers potins de l'hôpital. Louisa Willys, malgré son âge avancé, réussissait toujours à traîner ses oreilles au bon endroit et au bon moment. Elle représentait à elle-seule un véritable spectacle et Jade aimait tomber sur elle lors de ses visites.
« Alors, qu'est-ce que cette Madame Willys t'a appris aujourd'hui ? » Elle parlait, tout en mangeant sa confiserie, alors que son compagnon restait étrangement silencieux. C'était stupide, finalement, de faire comme si de rien n'était. Elle jeta son regard sur les bandes blanches sur son torse, puis sur ses jambes et les quelques pansements sur son visage. Il souffrait atrocement, et pourtant, lui aussi tentait de faire l'indifférent. C'était difficile de l'admettre, et elle ne le voulait pas.
« Quoi ? » Jade brisa le silence, laissant échapper un rire nerveux. Pourquoi la fixait-il donc de la sorte ?
« Tu n'es pas obligée de faire ça. » Faire ça, faire quoi exactement ? Jade ne pouvait pas l'abandonner, pas maintenant. Pas alors qu'il traversait les moments les plus difficiles de sa vie. C'était inconcevable.
« Je ne vois pas de quoi tu parles. » Angoissée, elle finit par se lever, tout en passant sa main droite dans son cou puis dans ses cheveux.
« Oh si, tu vois très bien. » Un tas d'émotions commençaient à surgir. Elle ressentait à la fois de la colère, de la tristesse, mais par-dessus tout, de l'amour. Elle l'aimait, et elle n'imaginait pas sa vie sans lui. Ils s'étaient promis l'un à l'autre. Sa bague de fiançailles le témoignait. La tête baissée, elle ne voulait pas qu'il la voit dans cet état. Pourtant, elle ne parvenait pas à se contrôler, des larmes coulant sur ses joues. Pendant trop longtemps, elle avait essayé de les retenir.
« Je ne te laisserai pas partir. Non. » Pas maintenant. Pas aujourd'hui, ni demain, ni dans trois semaines. C'était trop tôt, beaucoup trop tôt. Les yeux embués de larmes, elle se retourna finalement vers son fiancé.
« Il n'y a rien à faire, Jade. Les blessures sont trop profondes. » Elle laissa une nouvelle fois ses yeux parcourir son corps. Elle essayait de l'ignorer, de passer au-delà, mais il n'avait pas tort. Chaque mouvement lui était douloureux et Jade était effrayée à l'idée de lui faire mal. Victime de l'attaque des mangemorts pendant la coupe du monde de Quidditch, le feudeymon ne l'avait pas épargné.
« Ce n'est pas juste. » Ils n'avaient rien fait pour mériter cela. Jade voulait simplement vivre avec Owen paisiblement. C'était affreusement injuste. La mine décomposée, elle rapprocha le fauteuil du lit de sorte à ce qu'elle puisse y reposer sa tête. Elle pourrait passer de longues journées ainsi, le regard plongé dans le sien. C'était étrange, mais le sourire qu'Owen affichait lui apportait un peu de réconfort. Il semblait apaisé, comme si la douleur s'était légèrement estompée. Et ils restèrent ensemble, pendant plusieurs heures à discuter de leurs meilleurs souvenirs. Quelques heures de bonheur durant lesquelles ils oublièrent la douleur et la tristesse pour laisser place au bonheur et à la rigolade. Sa fin approchait, elle le sentait. Tout comme lui.
« Je t'aime. » La main d'Owen vint caresser la joue de sa bien-aimée. La voix de ce dernier se brisa avant d'être pris par une violente toux. Le regard perdu, un médicomage prit Jade sur le côté, avant de rejoindre ses collègues qui se trouvaient autour d'Owen. Dans un coin de la pièce, elle se contentait de regarder la scène totalement impuissante, sentant encore la chaleur de sa main sur sa joue. Des larmes ruisselèrent sur son visage, tandis qu'on la fit sortir de la pièce. Fiancée ou non, elle n'avait plus le droit de rester là, laissant les professionnels faire leur métier. Il n'y avait plus rien à faire, ils s'acharnaient pour rien. Quelques minutes suffirent pour que ce même médicomage ne revienne vers elle. D'un hochement de tête, elle lui fit comprendre qu'elle le savait déjà. Jade n'avait pas besoin de l'entendre. Elle ne voulait pas l'entendre.
Tous les jours, c'était la même chose. Elle avait droit aux sourires gênés, aux paroles se voulant rassurantes et tout un tas de choses que l'on fait lorsqu'un ami perd un être cher. Mais quoiqu'ils fassent, rien ne réussirait à remplir ce vide qui s'était maintenant installé dans son cœur. Elle l'avait perdu. Définitivement, et elle ne le reverrait plus jamais. L'appartement dans lequel ils vivaient était devenu froid, sans vie. Pourtant, elle ne voulait pas se détacher des lieux. Elle y conservait de merveilleux souvenirs, qu'elle ne pourrait en aucun cas oublier. S'accrocher à ce bonheur disparu lui permettait de tenir le coup. Jade se rendit compte malgré elle de la difficulté de la vie. Elle n'épargnait personne, et elle était bien trop sotte pour croire que tout cela durerait. Pourtant, elle montrait à qui le voulait qu'elle allait bien. Après tout, Jade avait toujours été le genre de fille qui ne se laissait pas abattre facilement. Elle réussissait toujours à se relever, avec le sourire. C'était bien plus facile pour elle de se montrer forte, que de pleurer toute la journée. Ses journées au ministère l'aidaient à oublier, l'espace de quelques heures, le fait qu'en rentrant le soir elle serait seule. Parce que maintenant, elle n'avait plus personne à qui rendre visite à Sainte-Mangouste, mis à part un lit vide, ou bien occupé par un inconnu. Et puis y retourner serait sûrement beaucoup trop difficile. Elle savait que cette fois-ci, il ne l'attendrait pas. Affalée sur son canapé, elle grignotait quelques confiseries, perdue dans ses pensées. Le climat actuel se détériorait à chaque instant. Le monde magique courrait à sa perte, et tout le monde était de près ou de loin atteint par les événements. Si Owen avait été à sa place, il ne serait pas resté là, à ressasser de vieux souvenirs. Cela était plus une torture qu'un véritable plaisir finalement. Le mieux était d'essayer de tourner la page, bien que ce ne soit pas chose facile. Elle ne voulait pas l'oublier, jamais. Depuis plusieurs jours maintenant, Jade réfléchissait à son avenir. Son avenir au ministère était sérieusement compromis et elle n'avait plus rien à perdre, ou presque. Alors autant se lever, foncer dans le tas, et voir ce qui en découle. Maintenant, elle voyait les choses différemment.
« Tu vas où ? » Elle avait presque oublié sa présence. Son amie venait régulièrement lui rendre visite, afin qu'elle ne soit pas seule. En réalité, beaucoup dans son entourage trouvaient étrange la manière dont elle se comportait alors il était probablement mieux qu'elle ne reste pas seule trop longtemps.
« Voir des amis. » Elle lui adressa un dernier sourire avant de partir. Elle avait besoin de retrouver quelqu'un, et pour cela elle avait besoin de se rendre chez les Potter. Si Owen pensait que s'engager auprès de l'Ordre était important, que cela en valait largement la peine, alors il devait avoir raison. Jade était en connaissances de ce que ce groupe de sorciers avait pu accomplir plusieurs années avant, alors elle n'avait plus qu'à se lancer elle aussi. Sauter le pas. De sa main droite, elle frappa à trois reprises. Quelques secondes plus tard, un homme vint lui ouvrir.
« Je peux toujours me joindre à vous ? » Elle esquissa un léger sourire. Elle ne savait pas s'ils allaient lui faire confiance, mais qui ne tente rien n'a rien après tout.