What we leave behind.

- Roxanne&Pandora.

Les cauchemars la poursuivaient. Aucune de ses nuits n'était de ce sommeil lourd et noir, sans rêve, de ces sombres heures de néant qu'elle avait condamnées autrefois. Elle les regrettait maintenant, alors que les images de la Coupe du monde lui revenaient par vague, la submergeant dès qu'elle baissait la garde. Et la nuit ? Son cerveau roulait à plein, sans les frein que le soleil laisse à la raison. Elle ne s'en réveillait même pas, non, elle était prisonnière, chaque fois, sâchant avec de plus en plus de certitude qu'elle ne fermait pas les yeux pour du repos, non... au fil des nuits, elle savait ce qu'elle allait retrouver. Quels frissons. Quelles situations inextirpables. Chaque fois, elle était perdue sous les décombres du gradin qui s'était effondré ; les souvenirs se mêlaient aux angoisses et l'imaginaire amplifiait le moindre détail. Tout était intact dans sa mémoire. La sorcière âgée toussant à côté d'elle, sous les ruines, étouffée par la poussières... chaque sortilège prononcé pour essayer de la sauver était un échec cuisant qu'elle sentait en elle, comme une flagellation continuelle infligée par un part d'elle qui ne se pardonnerait jamais. Elle avait pourtant réussi à les dégager, les quelques-uns coincés dans le même coin qu'elle. Puis elle avait tâché d'aider les aurors contre les assaillants. Les Mangemorts. Ils étaient de retour. Elle n'aimait pas penser à cela.

Tout comme elle n'aimait pas penser à Nina. Partie quelques minutes à peine avant que la situation dégénère, elle disparut toute la soirée. Pandora l'avait cherchée, des yeux seulement, occupée comme elle l'était à sauver sa propre peau. En vain. Nina s'était évaporée... Mais non, pas vraiment : elle l'avait retrouvée juste en sortant, elles s'étaient tombées dans les bras, en pleurs, paniquées à l'idée de se perdre. Le soulagement des retrouvailles, s'assurer que sa colocataire et amie allait bien, ces bons sentiments s'étaient malheureusement bien vite estompés. Ils avaient laissé place au doute. Léger, très léger. Mais bien présent. Rien qu'une petite pointe, minuscule, de doute ; rien qu'une petite plume du mauvais côté de la balance... et tout l'équilibre menaçait de flancher. Comme elle. Elle avait besoin de décompresser.

Pandora avait reçu, ce matin, un hibou de Roxanne – elle l'avait d'ailleurs immédiatement reconnu et fait entrer dans son bureau du Ministère avec un sourire. Elle lui proposait de déjeuner avec elle à une heure, dans un petit restaurant discret du Chemin de Traverse, qui, apparemment, faisait d'excellentes tartes aux champignons. La proposition fit espérer à la jeune femme un instant, une heure entière peut-être même, de pose. Ce dont elle avait désespérément besoin. Et qui de mieux pour cela qu'une amie de longue date ? La meilleure amie de Nina du temps où elles étaient ensemble à Gryffondor, la défenseure de leur idylle, la Cupidone que Pandora avait appris à apprécier petit à petit, pour finalement la compter parmi ses toutes meilleures amies. Roxanne était une fille exceptionnelle, intègre, généreuse et attentive, le genre de personne qu'il fait toujours bon de voir. Elles ne s'étaient pas énormément vues en ce moment, la dernière soirée patacitrouilles entre Nina, Pandora et elle devait remonter à bien trois voire quatre mois... Pandora soupira. Elle avait cette impression désagréable de ne plus avoir une prise aussi ferme qu'elle le voulait sur sa vie... l'impression que certaines choses, sans qu'elle puisse y changer quoi que se soit, lui échappaient doucement.

Elle avait répondu au hibou en quelques minutes, heureuse à l'idée de se retrouver autour d'une bierraubeurre – bon, avant de repartir sur quatre heures de boulot, ç'allait probablement être plus autour d'un jus de citrouille, certes – pour discuter, pour relâcher un peu la pression qu'ils ressentaient tous en ces temps... troublés. (Bien que « troublés » soit un adjectif un peu dépassé au vu des récents événements.) Et elle était donc là, attablée en extérieur dans ce petit restaurant – petit, vraiment – de Diagon Alley, en avance peut-être, puisque Roxanne n'était pas encore là. Elle jeta un œil sur sa montre : midi cinquante-huit. Elle n'allait pas tarder. Relevant la tête, Pandora commanda un verre de Tomate à Bulles, et patienta. Évitant soigneusement de trop penser. Évitant, ou essayant d'éviter, d'appréhender ce déjeuner qui, ma foi, n'avait aucune raison de mal se passer...