Je m'en fous, je m'en fous, je m'en fous. voilà, c'est dit. mais c'est pas comme si ça changeait grand chose. alors je hausse les épaules et je quitte la table. défaite, vengeance, honte. je crois que je vais finir par exploser. une overdose de mots, malsains, vils, qui ne créeront que des ennuis de toute manière.
que des ennuis ! comme si on en avait pas déjà assez ! alors je cours, je cours, je tourne en rond dans le manoir où j'ai passé ma vie, comme cloisonnée. on m'enferme, pas physiquement, mais mentalement. ils m'étouffent, m'oppressent, pourquoi, c'est ma seule et unique questions. pourquoi ? lorsque mes "amis" viennent à la maison, me content leurs vacances, leurs escapades, leur amour pour leurs parents. oui parce qu'à dix ans, on n'est pas très éveillé. peut être un peu trop calme, trop réfléchie, trop grande, je m'enfonçais dans ma solitude, dans mon cloisonnement. je m'enfermais, autant qu'ils le faisaient. et je peinais à respirer.
Comment je me suis retrouvée là déjà ? à vrai dire j'sais plus. une colère dingue d'un père toujours aussi décidé à faire triompher les sangs purs.
« il est temps que ces bouses anglaises comprennent qu'il ne faut pas se laisser faire devant les impurs qui ont pris le pouvoir ! » c'est ça, l'avantage d'être une famille plutôt riche et influente. on va, on vient, comme on veut. mais bon il changera rien à la
merde qui s'est insinuée dans les veines de la Grande Bretagne. encore que, tout est une question de point de vue. et puis on s'en fiche un peu des autres pays non ? eh bah papa sa réponse c'est non. un non catégorique. que des ennuis en approche, partout, ils vont nous rattraper et nous manger vivants. les ennuis, les vestiges d'une guerre qui nous a à peine concernés.
« nos frères sont en danger, ils sont en train de se faire dominer. » c'était ça, l'argument phare. parce qu'il savait tout mieux que tout le monde. alors c'est pour ça que je me retrouve ici, dans ce foutu train, en Angleterre. enfin bon c'est pas comme la Russie était mon vrai pays. je ne me sens chez moi nul part de toute façon. où que j'aille, on m'enferme, dans des règles, on m'empêche de respirer. et je l'accepte. je peine toujours à respirer.
❖ ❖ ❖
peut être qu'un jour, quelqu'un arrivera à m'expliquer la connerie profonde des gens qui peuplent poudlard.
surtout serpentard. comment je me suis retrouvée là moi, déjà ? c'est une très bonne question.
le choixpeau a toujours raison ! mon oeil ouais. rusée,
peut être, manipulatrice,
inconsciemment, ambitieuse,
pas pour le moins du monde. mais quelque chose changea en quelques mois, en l'espace d'une saison, je crois que j'ai fait ce que je n'ai jamais su faire en onze ans d’existence. j'ai évolué. comme les humains ont évolué pour devenir sorciers ou moldus, comme le têtard devient une grenouille. en même temps que mon corps se transformait, bien malgré moi, j'avais senti ce petit quelque chose se briser en moi. la foi, dans ma famille, dans la vie, dans l'avenir. le monde était destiné à exploser, les individus à s'auto-détruire. c'était juste la triste vérité. alors une solution se fit un chemin dans mon esprit. certains décidaient de luter, contre leur destin, contre le futur tout tracé qu'ils allaient devoir affronter. mangemorts ou ordre, ils avaient tous foi en quelque chose, voulaient changer le monde. moi, je voulais juste vivre. vivre sans problèmes, sans entraves, sans étouffements, sans qu'on me séquestre. je voulais être libre, tout simplement. et le début de la liberté se dessine dans la rébellion. contre ses parents, contre leurs idéaux, contre l'autorité.
sortir de cette solitude qui me poursuivait jusque dans mon dortoir fut plutôt aisé. certains serpentards s'intéressaient de près aux idées de ma famille, je trouvais dans leurs débats une distraction au coin du feu ou devant un repas. mais le problème principal restait le même. je n'étais pas libre, juste entravée dans des idéaux qui n'étaient pas
nécessairement les miens. alors il me fallait quelqu'un avec qui je pouvais être moi, moi, moi. juste moi. une belle expression. pleine de sens, soi disant.
être soi-même, toujours, en n'importe quelle circonstance. qui, franchement, a réussi à respecter cette devise ? personne. faire ce qui nous semble être juste est plus important. il me fallait quelqu'un qui me ressemble. j'avais eu écho d'un autre étudiant russe, de mon âge ou presque, qui vivant entre les mêmes murs que moi. ce fut donc tout naturellement, ou presque, que je lui tombai dessus.
« Hey, salut toi. Tu es ce Russe, Stanislav, non ? » diplomate ? non, pas la peine. avec les anglais peut être, mais pas entre nous. «
Wahou, super ! Un Russe ici. Comment j'suis trop contente. Alors, toi, je ne vais pas te lâcher mon chou. En fait, je m'appelle Ekaterina et je suis à Serpentard. » Il avait un
bon karma comme aurait dit maman. pas trop expressif, plutôt mignon, pas trop con non plus. pas anglais, pas anglais, pas anglais. ça, c'était important. il n'était pas anglais. donc il était différent. et forcément mieux. être diplomate avec tout le monde, amusante au besoin, ne pas se faire d'ennemis. voilà c'était tout ce que je faisais. mais avec lui, même si je l'ignorais à ce moment, c'était différent.
« Tu peux m'appeler Stan. Je suis à Poufsouffle. » un salut purement russe s'en suivit. tout sauf féminin. respect, force, confiance. en cet échange résidait un peu toute la destinée de notre relation. peut être n'étais-je plus seule, peut être étais-je
enfin libre. alors pour la première fois depuis longtemps, la vérité sorti de ma bouche.
« Le choixpeau magique ne se trompe jamais Stan. Perso, j'aurais bien aimé être à Poufsouffle, tes potes ont l'air sympas. » « C'est pas mes potes. » « Oui mais au moins tu n'as pas de sang-purs dans ta Salle Commune qui te font chier. Même les sang-mêlés y passent, pfff... » « Tu es de sang-mêlé ? Ca veut dire quoi déjà ? » pas trop con, mais un peu quand même. imbécile heureux.... «
Ah, tu dois être né-moldu... mes parents disent que ça craignent, mais t'as l'air plutôt cool. » c'était la vérité. malgré la stigmatisation des
inférieurs que mes chers parents m'avaient inculqué depuis ma naissance, ma haine des
sangs de bourbe n'était pas réelle. elle n'avait pas lieu d'être, à mes yeux. ça n'avait pas d'importance. les
sangs purs étaient des
cons finis, les sangs-mêlés le fruit d'un amour profond et non pas de mariages arrangés. les nés moldus étaient des chanceux. je me rappelle lui avoir souri avant de partir. intéressante rencontre. tout ne faisait que commencer.
❖ ❖ ❖
recalée, recalée, recalée « tu ne sers à rien, ekaterina juliana udinov. » l'utilisation de mon second prénom n'augurait rien de bon. rien. que des ennuis, que des problèmes. encore. lorsque mon corps revenait au manoir, pendant les vacances, c'était comme si l'on recouvrait une cage déjà fermée. on l'étouffait, on m'étouffait. toujours plus. encore. depuis quelques temps, c'était devenu différent, à poudlard. peut être était-ce vrai, peut être ce château était-il la maison des enfants perdus ? parce que j'étais perdue, paumée, seule. désespérément.
« Imagine, on sort ensemble... » here we are. silence de mort. j'y avais pensé, j'y avais souvent pensé, un peu trop souvent même. mais non, c'était impossible. je ne l'aimais pas. enfin pas comme ca,
si ? non, non, bien sûr que non ! pourquoi donc ? je crois que j'ai fini par rire, un peu bêtement, cette réflexion était, pourtant, tout à fait légitime... l'instinct, je vous dis, l'instinct fait tout ! il me perdra. mais alors que j'ouvrais la bouche, il coupa court au flot de paroles qui affluait déjà.
« Ahahah, mais non ! Non. » rire gêné.
« Lol, non mais jamais de la vie. » voilà, déjà la gêne se dissipait, mais l'utilisation du mot
lol pouvait déjà trahir mes sentiments.
je ne l'aimais pas. je ne l'aime pas ! la journée se suivit, comme si de rien n'était. le lendemain, ma (toute nouvelle) relation avec un garçon de Serdaigle fut rendue publique. on ne sait jamais, il faut estomper les soupçons. soupçons que personne ne nourrissait. sauf peut être moi. on ne sait
jamais, autant ne pas prendre de risques.
je ne sais pas pourquoi, comment on en est arrivés là, mais visiblement mes parents avaient besoin de faire ce qu'ils n'avaient jamais fait :
se mêler de mes affaires. que savaient-ils de moi, hein ?
rien. je n'étais
rien pour eux, pour le monde, même pour moi-même j'étais insignifiante. mes
amis finiraient par m'abandonner, comme tous les hommes que j'avais cotoyé. le seul qui semblait se soucier un minimum de mon sort, c'était stan. la vérité était certainement claire, je l'aimais trop,
beaucoup trop. ce qui ne plaisait évidement pas à papa udinov.
« être trop proche des impurs a toujours été dangereux, ekaterina. je t'interdis de lui parler, il est néfaste pour toi, comme tous ses semblables » foutaises ! il était sans doute le seul qui arrivait à me retenir. de quoi ? de devenir folle ? certes. populaire, certainement, aimée, un peu moins. et c'était
ca le problème depuis toujours.