› Avez-vous déjà entendu parler de la légende du Phoenix ? Qu'est-ce que vous en pensez ? : Oui j'en ai déjà entendu parler. À vrai dire, je l'ai même beaucoup étudié et ai cherché divers témoignages, espérant naïvement peut-être parvenir à connaître la vérité. Initialement partagée et sceptique face à cette histoire, je me suis pourtant, au fil de mes recherches et du temps, surprise à y croire. Je ne nie pas le fait que la légende puisse être une invention, cependant les détails des témoignages et leurs similitudes sont tels qu'il est difficile pour moi de penser que cet oiseau sort de l'imagination d'un conteur un peu fou.
› Quelle est votre position par rapport à la guerre ? : On m'a conté les horreurs, les massacres perpétrés par le seigneur des ténèbres et ses idéaux bien arrêtés. Il ne m'a été que très difficile d'intégrer ces notions lorsque j'ai commencé à étudier l'histoire de la magie. Je m'y suis intéressée, beaucoup d'ailleurs, et ces terribles faits m'ont profondément choquée et secouée. Je ne souhaite donc pas que cela se reproduise un jour. Et c'est pour cela que j'ai rejoint l'ordre. Défendre les valeurs en lesquelles je croyais et crois toujours.
› Pensez-vous que les prétendus mangemorts, leurs familles, ont été opprimées ces dernières années ?: C'est possible, et même très fort possible. Les prétendus mangemorts à l'époque d'Harry Potter n'étaient que très mal vus suite à sa victoire, ce qui est d'ailleurs compréhensible quand bien même ce ne soit que triste. Ils représentaient un danger, et le représentent sûrement toujours. Pourtant je trouve que les conclusions hâtives tirées par certains pro-ordre sont absurdes. Pour moi, ce n'est pas parce qu'un sorcier est né fils de mangemort qui le deviendra forcément. Et inversement, d'ailleurs...
› Que pensez-vous des rumeurs comme quoi Harry Potter aurait été tué par James Potter ? : J'ai du mal à y croire, malgré les différents témoignages ayant été recueillis. Je n'ai jamais vraiment connu James, tout du moins jamais vraiment. Malgré le fait que nous ayons été plusieurs années ensemble à Poudlard, d'ailleurs. Il était arrogant, certes, mais j'ai énormément de mal à imaginer qu'il ait pu commettre un meurtre et encore moins tuer son propre père. De plus ses possibles motivations ne sont qu'absurdes pour moi.
› Que pensez-vous de la création d'un nouvel ordre ? :En vue des évènements récents la création d'un nouvel ordre est une idée brillante selon moi. Mieux vaut prévenir que guérir, car, même si les conflits sont encore silencieux il est possible que les choses prennent plus d'ampleur, bientôt. Ainsi se préparer à toute éventualité ne peut être une mauvaise chose, je pense. Simple prévention, qui est, d'après moi nécessaire.

Le quartier Est de Londres et ses immeubles gris et ternes. Quelques fenêtres encore allumées, ici et là, quelques ombres encore mouvantes à une heure si tardive. Joy esquissa un sourire, léger voire infime tandis que gracieusement elle laissait courir ses doigts sur le plan de travail encombré de vaisselle sale et de produits ménagers divers. Index, majeur, index, majeur entamaient tous deux une danse qu'elle rythmait au gré de ses envies. Lentement ils caressaient le bois terni par les années, abîmé par les coups. Evitant les couteaux et fourchettes, cadavres abandonnés depuis quelques jours déjà, recouverts de la crasse des repas surgelés. Evitant aussi les tâches de nature inconnue et les emballages vides éparpillés ici, et là. Véritable champ de bataille, anarchie, ses deux fins doigts parvinrent pourtant à se frayer un chemin dans le chaos et arrivèrent finalement au terme de ce parcours, tout près de l'appui de la fenêtre condamnée. O'Brien redressa alors le regard et laissa ce dernier se faufiler entre les lumières et les ombres, embrasser les façades des blocs de bétons et caresser les sols goudronnés dénués d'une quelconque vie. De ces formes qu'elle connaissait par coeur, ou presque, dont elle se souviendrait sûrement le temps d'une vie entière. De ces coins qu'elle avait explorés à de multiples reprises, jamais seule : il était parfois trop dangereux pour la pauvre petite fillette qu'elle demeurait de se promener dans ces rues et ces quartiers souvent mal fréquentés. Connaître, deviner, savoir, d'une volonté féroce mais pourtant terriblement intrigante qu'elle avait toujours possédée. Elle ne parlait pas beaucoup et rêvait, secrètement. D'un ailleurs, d'un autrement, d'un autre moment. À s'illusionner aux coins des briques des blocs, à s'imaginer quelques paradis cachée dans les cages d'escaliers. Ainsi Joy rêvait-elle, encore un peu, perdue dans les méandres de son esprit juvénile. Pourtant, rapidement elle fut tirée de ses pensées par quelques poudres blanches tombées du ciel. Encore un sourire, terriblement infantile. Et déjà la tombée de neige s'intensifiait. Quelques minutes, et l'appui de sa fenêtre se trouvait recouvert d'une fine couverture blanche. Elle ne l'avait pas quittée des yeux. Pas un seul instant. Fascinée par cette chose qu'elle avait toujours aimée, tellement. Alors elle tenta à de multiples reprises d'ouvrir la fenêtre close par divers moyens, vainement. Abandonnant finalement, elle ne fit que se concentrer, profondément, sa petite main posée contre le verre. Plusieurs secondes, elle lutta, avec pour seules armes sa volonté et son innocence. Et la vitre disparut. Simplement. Et les bourrasques de vent s'engouffrèrent dans le petit appartement miteux. Ne se souciant pourtant que très peu du reste, Joy balaya le plan de travail de ses petits bras fins, se leva sur le tabouret sur lequel elle était à genoux initialement et grimpa afin de pouvoir effleurer du bout des doigts les cristaux tant convoités. Le sourire aux lèvres. Il ne s'agissait que de cela alors ; vouloir pour obtenir. Naïvement c'est ce qu'elle pensait en ces quelques instants durant lesquels elle s'échappait de son appartement, de l'immeuble et même de son quartier. Emerveillée par une chose des plus simples, par une chose qu'elle aimait. Assise en tailleur devant le fenêtre, jouant avec la neige, enveloppée par la nuit et les ombres, et bientôt par le froid. Jamais déroutée par ces dons qu'elle possédait. Comme si cela était normal. Comme si ce monde lui appartenait déjà.

Quelques rires s'élevaient ici et là, dans la salle commune des Serdaigles tandis qu'en studieuse élève Joy révisait ses cours de potions. Tirée de ses pensées écolières pourtant elle posa le regard sur une photo de sa mère, radieuse en son temps. Elle n'avait jamais acceptée ce qu'elle était. Une sorcière. Horrifiée par ce terme, littéralement effrayée par sa propre fille. Jetée de chez elle, la petite brune ne rentrait que très rarement à Londres - seulement pendant les grandes vacances. Et même en ces instants jamais elles ne parlaient de cela, la jeune moldue se contentait de reprendre sa vie normale. Loin de tout ce qu'elle avait découvert et tant aimé, éloignée de cet univers des possibles. Elle ne voulait rien savoir. Rien du tout. Persuadée que sa tendre progéniture n'était plus la même personne. Elle ne la méprisait pas, non. Mais ne la comprenait juste pas. Comment ? Pourquoi ? Bien souvent ce sujet avait été cause de leurs discordes, devenant de plus en plus violentes lorsque la gamine qu'elle était auparavant avait grandie. Joy ne lui avait jamais rien reproché. Pas sa situation précaire ni même son manque d'éducation, pas ses cadavres de bouteilles ou encore ses nuits passées à pleurer. Elle s'était contentée de l'aimer alors qu'elle l'oubliait. Elle s'était contentée de l'aimer alors qu'elle l'abandonnait. Ainsi son seul refuge peut-être demeurait ses cours. Qu'elle soit fière d'elle, malgré tout. Qu'elle trouve du réconfort dans ses résultats, et qu'elle comprenne que peut-être sa place était à Poudlard. Soucieuse de la fierté de sa famille et de l'amour qu'elle n'avait jamais vraiment eu.
Un électrochoc. Soudainement Joy sentit deux bras se glisser autour de son cou tandis que quelques mèches de cheveux blondes venaient chatouiller son visage tendrement. Esquissant un sourire, la brunette tourna la tête vers son amie et lui glissa entre quelques sourires.
- T'abuses Lil, j'étais en train de réviser figure toi !
- T'étais surtout en train de rêver, oui. Aller viens j'ai un truc à te montrer !
Lui répondit-elle en lui riant au nez, avant de lui prendre la main et de l'entraîner bien loin de ses livres, dans les dortoirs. S'asseyant toutes deux côte à côte en tailleur sur le même lit, la blondie lui lança un regard malicieux avant de sortir de son sac un bout de papier sur lequel était noté quelques phrases incompréhensibles. Lui glissant pourtant le papier entre les mains, Joy fut obligée de lire les inscriptions notées tandis que sa meilleure amie, après avoir balayé le dortoir du regard, ajoutait en murmurant.
- Imagine toi. On pourrait être beaucoup plus fortes plus facilement. Ce serait génial, tu trouves pas ? T'as toujours voulu être la meilleure.
Ecarquillant les yeux, O'Brien dévisagea Lilianna et lui lança un regard noir tandis que son coeur battait à un rythme effréné, alimenté par le goût de l'interdit. Pourtant elle n'y prit pas plaisir. Jamais. Et, se levant finalement subitement elle lui répondit sur un ton nettement plus discret.
- Mais t'es totalement folle ! Jamais je toucherai à ça, et toi non plus d'ailleurs ! Tu veux que je te reparle de ce qu'on a étudié en histoire de la magie où tu vas t'en rappeler seule ? Je ne veux plus jamais t'entendre me parler de cela. Jamais.
Et ainsi elle s'en alla finalement, l'abandonnant seule dans les dortoirs tandis qu'elle retourna réviser, difficilement. Puisqu'un mot qu'elle avait lu, qu'elle avait décodé et enregistré lui revenait toujours à l'esprit. Mangemort.

- Obliviate !
Oublier. À présent indifférente face à ces banalités qui formaient le plus gros de ses journées, Joy s'arrangea pour disparaître rapidement, se fondant dans la masse de moldus discrètement. Ainsi elle erra pendant plusieurs minutes dans ces rues qu'elle avait tant observées, reconnaissant chaque enseigne et chaque détour presque machinalement, et sans effort. Dotée d'une mémoire visuelle impressionnante, depuis son plus jeune âge, O'Brien imprimait chaque instant dans sa mémoire d'une facilité déconcertante, se remémorait chaque détail et reconnaissait chaque trait. Facilement. Trop facilement. Ainsi s'était-elle surprise à de multiples reprises à reconnaître des choses ou des personnes qu'elle pensait avoir oubliés. Lily. Lily et ses longs cheveux blonds, tombant sur ses épaules. Elle l'avait bien croisée un jour au ministère de la magie. Pas un regard, elle ne lui avait adressé. Pas un seul. De son air hautain et ses prunelles terriblement troublantes elle l'avait fixée sans relâche, la dévisageant, la mettant plus bas que terre. Elle se souvenait encore avec précision de cette expression glaciale qui lui avait valu un frisson - et qui lui en valut un nouveau à cet instant précis, d'ailleurs. Elle avait tellement changé. Cette malice qui l'avait toujours habitée semblait s'être transformée en une dureté effrayante, cette complicité qu'elles avaient toutes deux partagées s'était changée en une douloureuse défiance en laquelle Joy ne reconnaissait pas son amie, ne la reconnaissait plus. Et ce n'était qu'amèrement qu'elle avait fait ce constat dont elle avait beaucoup souffert, de nombreux jours, n'acceptant jamais réellement qu'elle ait pu lui échapper ainsi. Aussi simplement que le vent lui glissait entre les doigts, elle n'avait pu la rattraper et d'une certaine façon s'en voulait. De ne pas avoir été là pour elle, de ne pas l'avoir soutenue, de ne pas l'avoir empêchée de devenir ce qu'elle était à présent. Une inconnue. Une étrangère. Tout sauf sa Lily.