Dans la matinée, Evie avait reçu un hibou important de la part de sa mère. Elle avait essayé tant bien que mal de se libérer, mais il fallait attendre l'après-midi pour obtenir une pause. Depuis quelques temps déjà, l'état de santé de sa grand-mère était inquiétant. Elle se sentait comme vidée de toutes ses forces. Mettant cela sur le compte de la fatigue, les deux Burwell se demandait si ce n'était pas plus grave. Alors elle allait la voir, pour discuter et essayer de lui remonter le moral. Pourtant, ce qu'elle prenait pour une maladie causée par la vieillesse était bien plus profond. Chaque jour, sa grand-mère observait ce monde se perdre. Elle avait l'impression d'être replongée au siècle précédent et que l'histoire allait se répéter. Cette dernière avait à peine vingt ans lors de la première guerre, celle qui la marqua le plus. Très intéressée par l'histoire de la magie, Evie aimait beaucoup écouter ses récits. Elle avait l'impression d'avoir des héros devant elle, sentiment qui disparaissait dès qu'elle apercevait son père dans le coin. Même si c'était un sujet tabou, elle apprit rapidement que le nom Burwell inspirait très peu de confiance. L'accueillant avec son légendaire sourire, elles parlèrent de longues heures devant la cheminée avec une boisson chaude en main. Elle connaissait très bien sa petite fille et voulait absolument discuter de la situation actuelle. Même si elle ne lui demanda pas directement, elle évoqua rapidement le Nouvel Ordre. Elle n'avait pas envie d'en parler, pas pour le moment en tout cas. Mais Evie comprit rapidement que ce sujet la tracassait beaucoup. Le côté de sa mère était connu pour sa neutralité. Ils ne souhaitaient pas s'impliquer dans la guerre mais jamais la rousse avait su pourquoi. Jusqu'à aujourd'hui. Elle essayait de la mettre en garde, de l'éloigner de toutes ces tensions. Elle avait sûrement fait la même chose avec sa mère. Alors pour cela, elle se mit à lui livrer ses souvenirs, ceux qu'elle conservait jalousement.
« Pendant la première guerre, j'ai beaucoup perdu. » commença-t-elle.
« Plus que tu ne peux l'imaginer. » reprit-elle. Evie pouvait lire sur son visage une tristesse infinie, comme des regrets.
« J'avais une petite sœur. De deux années de moins seulement. Elle venait de sortir de Poudlard et découvrait la vie. C'était tout pour moi. Mais pendant ces temps troubles, j'étais bien trop focalisée sur ce qu'il se passait à l'extérieur. Jusqu'à la persuader qu'elle n'était plus si importante. » Les sourcils froncés, Evie voyait très bien où elle voulait en venir, mais espérait vraiment que ce ne soit pas le cas.
« Si elle est morte, c'est de ma faute. Je l'ai négligée. » Instinctivement, elle vint poser sa main sur sa grand-mère pour essayer de la réconforter. Après toutes ces années, la douleur semblait toujours aussi grande.
« Ne fais pas la même erreur que moi. Avec ta mère, mettez-vous en sécurité. » Elle laissa échapper un léger soupir. Bien-sûr, elle devait s'y attendre. Pendant la deuxième guerre, ils avait prolongé leurs vacances dans le sud de la France. Alors elle s'attendait à ce qu'Evie fasse la même chose. Au lieu de lui montrer son désaccord, elle se contenta de la regarder. Elle n'avait pas le droit d'essayer de contrôler sa vie.
« Il se fait tard, grand-mère. On en reparlera. » Elle lui fit une petite bise avant de s'en aller. Mais c'était peine perdue. Elle s'était engagée et comptait bien tenir sa parole. Les mains dans les poches et pensive, elle retournait dans son esprit encore et encore ses dernières paroles. Elle était à la fois déçue et énervée par son comportement. Tête baisée, elle ne remarqua même pas l'arrivée d'une autre personne, qui se recula de justesse pour éviter la collision.
« Il n'y a pas de mal. » répondit-elle avant de relever la tête et de voir son interlocuteur. James Potter, ou celui qui s'était fait un malin plaisir à la viser avec le cognard. A cause de cette chute, elle ne pouvait pas vivre sa passion pleinement, jouer au quidditch. Même si elle n'oubliait pas, elle essayait de passer au-delà de ce douloureux souvenir. Faire des efforts, au moins pour Albus, parce qu'il reste son frère.
« Ça commence à devenir une habitude. » manquant de rejoindre une fois de plus le sol. Mais elle sourit légèrement, parce qu'elle n'avait pas envie de rendre la situation encore plus gênante qu'elle ne l'était déjà.
« Non, on est d'un petit village du Wiltshire. » Enfin, du côté de son père surtout. Il n'avait pas jugé Godric's Hollow ou encore Tinworth comme des villages dignes de leur image. Il voulait le meilleur pour sa famille, quitte à rester en retrait du reste de la communauté.
« Enfin bref, on ne vit plus là-bas de toutes façons. Je suis venue voir ma grand-mère le temps d'un après-midi. » Et elle n'avait sûrement pas besoin de préciser laquelle, l'autre ayant été exécutée pendant la Grande Purge. Sa présence devait paraître louche, en effet, mais celle de James était tout à fait justifiée.
« Et toi alors ? T'es venu voir tes parents ? » Quitte à essayer de l'apprécier un peu plus, autant discuter pour mieux se connaître mieux.